Copié-collé dans libé ce matin - trop drôle !

Une main anonyme a déposé à Libération une clé USB qui s’est révélée contenir l’enregistrement des délibérations du jury Goncourt, le 4 octobre chez Drouant, avant la remise de sa deuxième sélection. Nous publions ci-dessous un court extrait de ce document exceptionnel.

Didier Decoin : S’il vous plaît, Edmonde, calmez-vous, je vous assure que vos craintes sont totalement infondées.

Edmonde Charles-Roux : Mais non, elles ne le sont pas ! Je le vois venir gros comme une maison : on va se retrouver le 8 novembre à s’étriper comme des idiots autour du Houellebecq et du Despentes, comme s’il y avait une once de littérature là-dedans. Nous ne pouvons quand même pas déchoir à ce point. N’oubliez pas que nous faisons partie d’une assemblée qui a honoré Marcel Proust en 1919 !

Patrick Rambaud : Vous, je ne sais pas, mais moi, en 1919, j’étais pas là.

Edmonde Charles-Roux : Insolent ! Goujat!

Bernard Pivot : Mes amis, mes amis ! Quel triste spectacle nous donnons là. Et si nous prenions ensemble le verre de l’amitié ? Tiens, quelqu’un m’a raconté hier une histoire belge très dr…

Edmonde Charles-Roux : Je vous préviens que si le livre de Despentes ou, pire encore, si celui de Houellebecq recueillait vos suffrages, je démissionnerai immédiatement. Jorge, tu dors ? Tu pourrais me soutenir !

Tahar Ben Jelloun : Edmonde, rasseyez-vous et arrêtez d’agiter cette fourchette à huîtres. Nous n’en sommes pas encore là. D’ailleurs moi, personnellement, je soutiendrai jusqu’au bout la jeune Mélissa de Tergal.

Didier Decoin : Maylis de Kerangal.

Bernard Pivot : C’est un Belge qui se promène sur une plage et soudain…

Tahar Ben Jelloun : Oui, Maylis de Machin. Elle est très jolie, cette fille, non ?

Patrick Rambaud : Simone, je vous rappelle que notre auguste assemblée a aussi couronné Henri Troyat en 1938. Alors je ne pense pas que ce serait déchoir, comme vous dites, que de récompenser une littérature un peu nerveuse, un peu, comment dire…

Didier Decoin : un peu gymnique ?

Edmonde Charles-Roux : Je trouve que Tahar a raison. Pour sauver la face, nous devrions nous accorder sur le nom de Mélissa de Kergolac.

Didier Decoin : Maylis de Kerangal.

Bernard Pivot : … et soudain il trouve sur le sable un os de seiche de 2 mètres de long, alors…

Edmonde Charles-Roux : D’ailleurs j’aime beaucoup la première phrase du livre de cette Mélissa : «Au commencement, il connut la Yakoutie du Nord et Mirny où il travailla trois années.» Et ça finit comment cette histoire ?

Dider Decoin : Ils construisent un pont, je crois.

Jorge Semprun : J’ai bien connu Mirny. Vous savez qu’il y a dans cette ville le plus grand trou qui ait jamais été creusé par l’homme ?

Bernard Pivot : …alors le Belge va porter cet os géant au Muséum et…

Edmonde Charles-Roux :Jorge, ce n’est pas la peine de te réveiller si c’est pour dire des bêtises pareilles.

Bernard Pivot : …et le type du Muséum répond au Belge : «Ah non, ça, monsieur, c’est une planche de surf.»

Et si c'est pure invention, je propose qu'on file le Goncourt à l'auteur du dialogue.

Comments

[Philippe Kersant]

Dialogue très amusant! Des pédants un peu éméchés se chamaillant autour du futur Goncourt! Elle est belle la société littéraire!

[Candide]

Pour y avoir déjeuné une fois, je savais que le Restaurant Drouant - siège du Jury des Goncourt - faisait de la très bonne cuisine. Mais à ce point, c'est du pur délice ! Et, comme disent les italiens : "Se non é véro, é ben trovato" !