La beauté de l'Ile de.
Une chose est sûre, la réputation de splendeur sauvage de l’endroit n’est pas surfaite. Il suffit pour admirer des paysages d’une variété et d’une luxuriance sans égales d’emprunter la première départementale venue et de bifurquer sur l’un ou l’autre chemins communaux qui abondent pour se gaver les yeux de couleurs indécentes découpées par des fées en puzzles sur fond bleu avec du vert partout. Tout ça n’est pas très net, et cache forcément un peu de diablerie. Alors les Corsent prient, dans des églises baroques, aux saintes vêtues de soie. Ils vont en procession, portant sur leurs épaules une Lucie de bois peint en chantant des cantiques. Et pour bien s’assurer qu’ils iront droit au ciel, ils abritent leurs morts au sein de mausolées grands comme des HLM, sans fenêtres, mais aux lignes classiques – de préférence avec vue sur la mer. Le Corse célèbre Dieu, aussi, à travers ses fromages. Pas ceux qu’on propose aux américains sur la côte, avec l’étiquette A.O.C. Les vrais, les fromages anonymes, comme celui au lait de bouc que j’ai goûté dans les montagnes, qui elles-même se plient aux lois de droit divin, accessibles seulement par chemin de purgatoire – il faut vomir souvent pour en voir les sommets tout fleuris d’oratoires et de Vierges vissées au granit rose et blanc. Mais quand enfin, on domine le monde, encerclé par les mers et battu par des vents chargés d’odeurs de myrte, de thym et de fenouil vulgaire, on ferme les yeux, terrassé par tellement de trop, et on tombe a genoux, mécréant converti, on se flagelle les flancs, honteux d'avoir douté.