De la nécessité de l'oraison...

Il est à peine neuf heures, l'heure calme. Madame B. a rejoint ses pénates avec ses trois chiens, laissant la rue à son silence et je bulle quiètement dans mon lit. Dans l'air encore frais monte bientôt une voix douce. Une voix d'homme onctueuse comme un sacrement.
Le sauveur ne s'appelle pas pour néant le pain descendu du ciel, car, comme le pain doit être mangé avec toutes sortes de viandes, aussi le sauveur doit être médité, considéré et recherché dans toutes nos oraisons et actions.
Allons bon, quel est l'hurluberlu qui vient lire sous ma fenêtre des extraits choisis de L'introduction à la vie dévote du bon père François ? Je risque un oeil, planquée derrière le volet (ben oui, chus à poil, je vais pas me pencher hein). Il y a là quatre curés en soutane noire, qui patientent devant la Chapelle de la visitation en lisant les conseils à la Philotée. L'un d'eux porte sur le bras un surplis blanc tout frais sorti du pressing, y'a encore le plastique autour, et chacun leur tour ils déchiffrent à voix haute le chapitre sur la nécessité de l'Oraison. Voilà qui devrait ravir Soeur Michèle...
Je me recolle dans mon lit, pose mon bouquin, et attends qu'ils aient fini leurs petites et grandes dévotions publiques - avec toutefois un soupçon de mauvaise conscience. Ne devrais-je pas, à l'heure qu'il est, me livrer moi aussi àquelque oraison jaculatoire pour célébrer la Providence qui me fait vivre en pareil lieu ?