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Melting Pot et vin blanc doux
6 novembre 2007

Reliques

A la naissance de Chonchon, j’habitais un tout petit appartement au sixième et dernier étage d’un immeuble sur un grand boulevard grenoblois. Peu après notre retour de la maternité, ma voisine s’en vint sonner à mon huis pour me dire qu’elle avait trouvé ma tortue.

Qué tortue ? Interrogeais-je la dame interloquée (moi, pas la dame).

Elle avait trouvé, sur son balcon, qui ne communiquait qu’avec le mien, une petite tortue de terre qu’elle me tendit en me priant de la reprendre.

Je dénéguai vigoureusement, comme vous l’imaginez, ayant précocement résolu de n’adopter jamais aucun représentant de la gent animale, fût-ce un innocent palmipède, et a fortiori un chélonien cryptodire ignorant de toute espèce d’évolution. La dame insista bien un peu, m’expliqua qu’il arrivait que des nourrissons introduisissent à l’insu de leur vigilantes génitrices des tortues dans leur berceau, puis céda enfin devant mon inébranlable catégorisme concernant l’innocence de Chonchon dans cette affaire.

Dans les semaines qui suivirent, la dame prospecta tout l’immeuble, sans que personne se déclarât possesseur d’une tortue, et s’en alla, terrassée d’impuissance, quérir des informations sur les mœurs de la bestiole dans une animalerie. Un jour que je la croisai dans l’escalier, elle m’expliqua que les tortues pouvaient grimper aux murs, et que donc celle-là, vraisemblablement, s’en était benoitement venue d’un immeuble voisin. Si son explication était scientifiquement satisfaisante, alors la psychologie de ces animaux, à mon avis, nécessitait d’urgence des études approfondies afin  d’expliquer pourquoi, sacrebleu, une tortue pouvait décider de se grimper six étages à la verticale plutôt que d’élire domicile sur un balcon du premier.  

J’avoue que le mystère de la tortue m’occupa l’esprit pendant quelques jours, et qu’au cours des dix-huit années qui se sont écoulées depuis, j’y ai souvent songé, sans jamais lui trouver d’explication plausible.

Ce matin, quand j’ai débarqué à Providence, mon charpentier m’a annoncé, tout guilleret, qu’il avait retrouvé ma tortue.

Qué tortue, l’interrogeai-je interloquée, encore plus cette fois que la précédente. Il m’a tendu une petite tortue de terre fossilisée qui me souriait avec un air narquois dans ses orbites vides. Je l’ai posée dans ma main tout doucement, et j’ai soufflé la poussière qui l’enveloppait. Il l’avait trouvée derrière la cheminée. Il faut croire qu’il y a des tortues obstinées. Je l’ai posée sur une niche dans le mur de pierre. Elle restera là désormais, y’a des choses qu’il faut pas chercher à comprendre. Il suffit d’être conscient qu’il y a un sens aux insignifiances majeures, même si on sait pas quoi, exactement. Peut être que Chonchon a une idée, lui, faudra que j’y demande.

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Commentaires
M
C'est surtout qu'un crocodile, je l'eusse vu, forcément !
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M
Voui, bon, et d'une faut pas chercher, et de deux mieux vaut une tortue qu'un crocrodile ! ;-)
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