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Melting Pot et vin blanc doux
12 mars 2013

George Sand,

avec sa tête innocente de brebis berrichonne, était une créature fortement sexuée. Nul mâle ne lui était indifférent, mais elle préférait ceux qui, aux larges épaules, joignaient le talent d'unir leurs soupirs à son bêlement sentimental... Elle a beaucoup bêlé. 

Encore Rémy de Gourmont, toujours assidu à dézinguer les gloires qui lui déplaisent. Dumas, souvent, fait les frais de ses humeurs, mais c'est Zola qui remporte la palme du manteau pour l'hiver, quand Gourmont évoque son "âme stercoraire".

Je suis toujours surprise de retrouver, d'un personnage marquant à un autre, à des siècles d'écart, une similitude de construction de la pensée et de la parole. Le réquisitoire de Gourmont contre Zola (allez le lire, sur gallica) m'évoque irrésistiblement celui de Desproges contre Séguéla. Zola a-t-il l'âme stercoraire ? Jacques Séguéla est-il un con ? On retrouve, dans les deux textes, une même progression basée sur un cocktail détonnant d'un soupçon mauvaise foi, d'un flux de langue parfait, n'hésitant jamais à tirer parti de l'effet comique toujours produit par la collusion de l'archaïsme et du néologisme. Que Zola et Séguéla sortent plus ou moins indemnes de la démonstration, peu importe. Ce n'est pas le but premier de Desproges ni de Gourmont. Tous deux, en esthètes, jouent avec leur victime comme des chats avec la souris, juste pour s'amuser, montrer comment ils sont balaises. Les siècles sont jalonnés de ces esprits aussi brillants que prompts à la futilité, qui aiment assassiner d'un trait d'esprit. La formulation du doute initial, même, suffirait, quand on sème le doute avec un tel brio, en six mots à la portée de chacun. Ces caractères exceptionnels, souvent très contrastés, joignaient à l'acuité de la pensée l'originalité du language. C'est là, sans doute, la clé de leur pérennité, leur exceptionnelle maîtrise de la langue, affûtée jusqu'à l'absolument unique par la singularité de leur démarche de réflexion. La preuve, s'il était besoin, que Buffon avait raison, le style, c'est l'homme même. Gourmont, comme Desproges, Voiture, Ménage, sont des cabotins de génie, qu'on ne se lasse pas de relire, qu'on reconnaît en quelques lignes féroces. Qu'on s'abstienne de les blâmer, ils ont ce mérite de s'attaquer toujours soit à des inopérants dont l'histoire a oublié le nom, soit à des monuments pas tout à fait sans défense dont il est salvateur de se moquer un peu, tant on continue, des siècles après, à les encenser sans réserve. La provocation, les traditionnelles positions affichées de mysogynie, de mépris du pauvre (Desproges parlait des "congés payés qui clapotaient", Gourmont suggère que les couturières sous payées aillent, suivant leur naturel, faire le trottoir pour épargner leurs forces), ces classiques procédés de l'humour, servis par la créativité de la langue ont toujours, et auront toujours, plus de force sur les esprits que les discours du plus convaincant des socialistes. C'est qu'ils font rire même le coupable. Et l'humour noir, curieusement, fait rire jaune ceux qui se sentent merdeux en même temps qu'il offre à la victime une explosion libératoire. 

Oui, je sais, on s'en fout. 

Enfin pour ceux qui douteraient que Desproges a beaucoup emprunté à Gourmont, je laisse cet extrait, parce qu'il faut bien rendre à César ce qui est à César. 

Il y a selon M. Nordau deux sortes de juifs, les bons et les mauvais. Les bons sont les juifs judaïsants, ceux qui fréquentent les synagogues, ... Les seconds ce sont les juifs sceptiques, qui, Français, ne songent plus à leur race que comme un parisien songe à sa province d'origine... On est indéniablement plus près du plagiat que de l'influence. C'est vrai qu'il s'agit d'une frontière si ténue...

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Commentaires
M
Un oiseau de merde ?
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K
ce serait également un oiseau (un goéland sans âme ?),<br /> <br /> bon week-end,<br /> <br /> X.
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M
j'étais tombée sur leur site il y a quelques années, c'est comme ça que j'avais découvert gourmont, mais ils ne proposent que quelques extraits. Maintenant, on trouve ses écrits, et notamment ses épilogues sur gallica. Mais il y faut une connaissance solide de l'histoire de l'époque, ses articles étant souvent basés sur l'actualité. Il y en a un, notamment, sur une réforme projetée de l'enseignement impliquant l'abandon du latin pour le remplacer par l'étude des langues vivantes. Très intéressant.
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R
Gourmont est, de toute façon, mille fois au-dessus d'un Desproges.. Moins complaisamment bourgeois.... <br /> <br /> <br /> <br /> Voir le site des amis de Rémy de Gourmont, les ens qui ont redécouvert une oeuvre surprenante... Et forte! On en profitera pur connaître cette époque et la grande littérature qui régnait alors, les Schwob, les Rachilde... Trop foldingues pour être aimés par les orthonormés: http://remydegourmont.org/<br /> <br /> Je lis avec ravissement la lettre des amis de Rémy de Gourmont...
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M
ben voilà, tu savais pas quoi faire de ton mercredi, va lire gourmont !
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