Saint Robert, my love...
Tout occupée, hier, à lire Une histoire abrégée de Saint François - je sais, vous et moi n'avons pas les mêmes lectures, c'est ce qui distingue l'érudit du consommateur - je tombai sur une anecdote dont l'hermétisme m'envoya tout drêt à la recherche du fin mot de l'histoire. Saint François, encore tout jeune, et de retour de Padoue où il avait été faire des études de droit, s'arrêta pour la nuit dans une auberge. Le saint homme eut la surprise de voir entrer dans sa chambre une créature qui, joignant la cajolerie à l'impudence et la beauté, lui tint des propos si déréglés qu'il ne crut pas devoir leur donner d'autre réponse ni expédient que ceux dont se servit autrefois Saint Bernard".
Allons bon. Mais comment Saint Bernard répondit-il aux propos déréglés de ses personnelles tentatrices, me demandai-je intriguée.Sitôt la question posée, je m'attelai à la recherche de la réponse. Que voici. On dit que Saint Bernard (celui de Clairvaux) fut tenté deux fois par des gueuses. La première, se voyant seule en compagnie du jeune homme, l'agaça tant et si bien que, tout eschauffé et rougissant, il s'alla précipiter dans les eaux glacées d'un étang. La méthode est connue, et à ce que m'en ont dit les membres masculins de mon entourage, radicale.
La seconde fois que le démon se présenta à lui, sous la forme d'une gueuse qui s'était introduite nuitament dans sa couche, Robert, stoique, se tourna sur le côté et se rendormit. Mais la gourgandine, ne s'avouant point vaincue pour si peu, se mit à le tripoter éhontément, le tirant de son sommeil. Robert, n'ayant cette fois pas de baquet d'eau froide sous la main, se tira de cette embarrassante situation en criant à tue tête Au voleur ! réveillant tous les occupants de l'auberge qui se précipitèrent dans sa chambre. La dame en fut pour ses frais, et Bernard put se rendormir du sommeil du juste, laissant à la postérité une anecdote dont Molière lui-même n'eut pas négligé le comique.
J'aurais, pour ma part, volontiers passé quelques instants en compagnie de l'espiègle tentatrice de Saint François, sûrement plus soucieuse de farce que de perversité - il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner attentivement un portrait du François pour se convaincre que pareille face de hareng n'a jamais pu exciter la concupiscence d'une femme - à l'exception, notable, de Jeanne de Chantal, dont on dit que la dévotion n'était pas exempte de désir charnel pour son maître à penser.
Je conclurai ce court billet matinal avec une apparté destinée à Xavier (mais d'autres pourront en faire leur profit). Il suffit d'un détour au dictionnaire sémantique du CNRS pour se convaincre de l'abondance de termes désignant les catins. Leur étymologie est souvent amusante, comme celle de la célèbre péripatéticienne, mise à l'honneur par des étudiants en philosophie adeptes de la doctrine d'Aristote, le premier des péripatéticiens, ainsi nommé d'après le grec parce qu'il aimait "discuter en se promenant". Si les prostituées ne sont pas forcément très loquaces, on sait qu'elles marchent beaucoup...
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