Ta gueule !
Entendons-nous bien, tant qu’on n’est pas encore sourds. Je ne suis dépourvue ni d’entendement, ni de cœur. Quand, il n’y a pas si longtemps, deux mômes sont venus agiter leur sébile sous mon nez en m’expliquant qu’ils faisaient la quête contre les aveugles, je leur ai donné les sous qui traînaient au fond de ma poche de bon gré.
Mais je l’avoue, rien ne me hérisse le poil comme de me faire solliciter à date fixe et à grands renforts de mégaphone jusque dans mes quartiers personnels, dont pourtant j’ai clos toutes les fenêtres. Là encore, c’est moindre mal. Mais partie ce matin en promenade, je fus abordée par une dame qui cherchait des volontaires pour former une chaîne humaine de dix kilomètres au bénéfice du téléthon. Je refusai poliment son offre, mais elle insista. Pourquoi ? Parce que, ma bonne dame, je trouve lamentable qu’on en appelle à la charité publique pour financer la recherche médicale, qui devrait, à mon humble avis, figurer en bonne place des budgets nationaux grâce à des fonds levés par voie de contribution directe.
Ha ben oui, mais c’est pas le cas, alors en attendant…
Je l’ai coupée là. En attendant, vous me lâchez les pompes, parce que je n’ai pas l’intention de faire le guignol pour quelque cause que ce soit. J’ai consciencieusement poursuivi mon périple matinal et sitôt mon ménage fait, suis repartie pour la piscine.
Vous voulez une entrée téléthon ?
Putain, mais c’est une cabale ? Non, je veux une entrée de piscine. Là encore, je me suis fait regarder de traviole, par la caissière et par les quelques-uns qui me suivaient au guichet.
Que voulez-vous, des gens comme ça, malheureusement, y’en a. Ai-je entendu dans mon dos.
J’ai résisté à l’envie d’aller brandir mon doigt sous le nez de la bonne âme qui avait attendu que je tourne les talons pour commenter ma déplorable attitude.
Pensez ce que vous voulez, faites comme ça vous chante, j’en ai rien à battre. Aujourd’hui comme hier, vous ne vous insurgez souvent qu’à contretemps. Si tous les gens qui s’agitent ce week-end pour récupérer des sous se mettaient d’accord pour exiger un budget suffisant pour permettre un fonctionnement optimal de la recherche fondamentale, ils auraient de bonnes chances d’être entendus. Mais combien accepteraient une hausse de leurs impôts pour la bonne cause ?