vocabulaire de crise.
ou crise de vocabulaire, c'est tout un. Obligés d'occuper l'antenne 24/24, les journalistes nous agonisent de conneries. "Il s'agit bien d'un terrorisme de guerre", par opposition, sans doute, au terrorisme de paix. "l'appartement conspiratif" on n'avait jamais osé jusque là, mais à situation d'exception, ânerie d'exception. Nous voilà en présence d'un appartement doué d'intentions - et de mauvaises. Les forces de l'ordre sont entrées dans un affrontement au "face to face". Parce que "face à face", vous admettrez que ça fait un brin franchouillard. Heureusement, nos dirigeants ont engagé des "frappes massives". BFS précisent les américains quand ils en parlent. By french standards, vingt bombinettes quand eux en lâchent deux cents par semaine. Unis, nous chantons la Marseillaise la main sur le coeur, exorcisme républicain, mais exorcisme tout de même, n'évoque-t-on pas "l'union sacrée" - terme qui, faut-il le rappeler, date de la première guerre mondiale. D'ailleurs nos gouvernants le clament, nous sommes en guerre. Je croyais, bêtement, qu'une guerre ça se déclare avec l'autorisation du parlemement. Alors, innocents, ces termes ? Peut-on faire voter, à la quasi-unanimité, l'Etat d'Urgence, et l'ensemble des lois liberticides qu'on compte fermement nous faire passer avec la trouille comme vaseline sans toute cette batterie de mots soigneusement choisis, matraqués à longueur d'antenne ? Pourquoi notre premier ministre évoque-t-il - sous prétexte de ne pas mentir aux français - le danger d'attaques chimiques alors que tous les spécialistes de la question considèrent celui-ci comme quasi inexistant sinon pour exacerber cette trouille dont il prétend nous défendre ?
Je concois la trouille, je comprends la rage, je comprends même qu'on prie et qu'on chante la marseillaise, pour se réchauffer à la chaleur de l'autre. Mais s'il est vrai que des mots bien choisis peuvent mener les foules là où elles ne se seraient pas rendues seules, alors méditons sur ceux-ci, qu'on attribue à Benjamin Franklin. Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finira par perdre les deux. On nous répète depuis une semaine que c'est la France des Lumières qu'on attaque. Il est urgent que les Lumières d'aujourd'hui fassent entendre le discours de la raison plutôt que celui de l'émotion. Les mots peuvent peser aussi lourd que les petites phrases qu'on nous matraque à longueur de journée, encore faut-il qu'on prenne la peine d'écouter, et de lire, ceux-ci plutôt que d'entendre ceux-là.