Le bonheur, mode d'emploi.
Y’a des cruautés nécessaires, des gestures de garde-soi. Crever les yeux d’un rossignol pour qu’il nous chante en plein midi, c’est guère plus dur que d’écraser l’œuf d’un pigeon sous le talon. C’est, comme on dit, l’affaire d’un quart d’heure, et peut-être même pas. Suffit de bien le maintenir de la senestre appuyé sur un tabouret en lui coinçant le cou avec un pouce en fer. De la dextre on se saisira d’une longue aiguille à tapisser que l’on appuiera sans trembler en plein centre du bouton noir. Une fois, deux fois, et c’en est fait d’un nocturne un intarissable en plein soleil ou sous la pluie. Le bonheur tient à peu de chose quand on sait molester ses facteurs. Et si le chant du rossignol ne suffit pas à nous égayer l’âme, on peut essayer autre chose. Pousser les pédants sous les trains, siffler merde à la boulangère, ou brosser au pinceau les ailes d’un papillon pour le voir se noyer dans une goutte d’eau. Y’a pas plus simple, vraiment, que d’être heureux, quand on sait les bons gestes.
(être capable d’écrire de pareilles horreurs au petit déjeuner, c’est grave docteur ?)