La linguistique pour tous !
Les savants, ce sont des gens qui savent beaucoup de choses et les expliquent aux béotiens[1] en termes de préférence abscons, non pas pour édifier leurs interlocuteurs (noble tâche) mais pour leur montrer comment qu’y sont plus balaises que les autres. Mais soyons juste. Le plus souvent, le savant se contrefout des béotiens et n’explique ses savanteries que dans des revues spécialisées, de peer to peer (le terme a été adopté en français, et inclut en anglais une notion de noblesse plus forte que le « pair » français, sauf dans l’expression consacrée Pair de France), et justement, les savants qui m’énervent le plus, peut-être parce que ce sont ceux que je comprends sans effort rédhibitoire, ce sont les linguistes.
La linguistique. Quelle belle science. Hélas tombée aux mains d’inopérants fâcheux qui au lieu d’expliquer à tout un chacun leurs belles découvertes – les langues sont patrimoine universel bien plus que la mathématique[2], s’évertuent à encoder les merveilles qu’ils énoncent sur le fonctionnement des langues de manière à soustraire au malheureux curieux qui n’ont pas eu la chance de suivre un cursus universitaire l’essentiel de leurs propos.
Il est fort probable que le bachelier technologique (surtout contemporain) qui s’aventurerait à vouloir décrypter la linguistique par le biais d’une introduction au sujet sur le web s’avouera vaincu dès les premières lignes. Tenez, jugez-en vous-même et allez faire un tour par là.
Donc aujourd’hui, je m’insurge, bordel de merde. Les physiciens, les biologistes, les ethnologues arrivent à expliquer de façon abordable les mystères qu’ils explorent. Que foutent nos linguistes ?
Il est fort improbable, d’ailleurs, que l’un d’entre eux vienne jamais fourrer son nez dans ces pages, mais s’il s’en trouvait un seul pour lire, qu’il aille expliquer à ses confrères en morphosyntaxe qu’il est urgent de mettre à la portée de tous (bon, ok, de presque tous) les Saussure et les Jakobson qu’on a pas les moyens de lire dans le texte. Que les lecteurs se donnent de la peine, soit, qu’ils acquièrent à grands flots de sueur les pré-requis, encore soit, mais nom de Dieu, essayez d’être un peu synthétiques des fois, et de choisir vos termes de façon à ce qu’ils ne constituent pas un obstacle majeur à la compréhension des pauvres cons que nous sommes, sinon, on finira par même plus essayer de comprendre. Ou par devenir complètement cinglés. Mais si ça se trouve, c’est l’objectif. Chus parano moi ? Essayez de les lire, vous verrez bien si vous y êtes pas aussi. Plus « entre soi », y’a que les philosophes.
[1] Le terme béotien est expliqué tout comme il faut dans le Dictionnaire Arbitraire, en lien, qui mérite mieux que les zéro lecteurs qu’il a. A mon avis, bien sûr, qui n’est pas celui des éditeurs auquel je l’ai proposé, et que j’emmerde.
[2] Ici, c’est la rubrique « comme je veux ».