Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Melting Pot et vin blanc doux
6 avril 2007

Prof d'anglais.

De nos jours, voyez vous, on n’enseigne plus la grammaire en cours de langues. C’est comme ça. Ordres venus d’en haut, transmis par voie de liasses de paperasses dans les casiers de salles des profs, la grammaire doit être intuitive.
And my ass is it chicken ?
Je sais, c’est une erreur de vous révéler d’emblée ma position sur le sujet, ça va vous ôter toute envie de poursuivre.
Nonobstant.
Vous les avez vus les merdeux de sixième, qui ne font pas la différence entre un infinitif et un participe du premier groupe ? Ils débarquent là, et hop, on leur apprend l’anglais intuitif.
Tant et si bien qu’en terminale littéraire on trouve encore une proportion non négligeable d’élèves qui ne sont toujours pas foutus d’ajouter l’indispensable s final à la troisième singulier du présent.
Du temps que j’étais prof, quand j’étais jeune, fringante, et qu’on me prenait pour l’une de mes élèves, je consacrais au moins la moitié du temps de cours à la grammaire. Cours et exercices. Mais ces exercices à trou à la con des cahiers de TP, c’est travail à la chaîne et compagnie… tout pour le réflexe et rien pour la réflexion. Or la grammaire n’est qu’analyse et réflexion. Et le seul moyen de mettre en œuvre une procédure de réflexion utile, c’est le thème, jugé bien trop dur pour nos petites têtes.
Oui c’est dur, mais  on n’a rien sans rien, et il est tout à fait possible de faire des trucs durs en rigolant. C’est là qu’intervient la sacro-sainte pédagogie.
Commencez par un point de grammaire simple, comme le s final du présent, qui est la seule difficulté (je t’en foutrais, tiens, du difficile) de la conjugaison anglaise.

« ma grand-mère mange du poulet le vendredi ».
« my grand mother eat… m’dame comment qu’on dit poulet déjà ? »
« funérailles, c’est quoi cette question à la con, t’es jamais allé au Mc Do ? »
« ben si, mais je vois pas le rapport »
« tu commandes quoi au Mc Do ? »
« ben, des zamburger »
« pis si tu veux du poulet, tu commandes quoi ? »
« ben, des chicken…. Haaaaa oui ! »
« donc ? »
« my grand mother eat chicken the friday ».

Vous pouvez le constater, on est sur la voie du progrès, ils ont trouvé chicken tout seuls, mais on a toujours pas le s au verbe, quand au « on Fridays »... bref.
Un jour que j’allais de table en table, lasse de les voir négliger si ostensiblement le cours qu’ils avaient pourtant sous les yeux, j’ai demandé à une fille, Luce qu’elle s’appelait, de me tailler son crayon à papier bien pointu et d’enlever ses lunettes. Intriguée, elle avait obtempéré.
J’avais souligné le verbe défectueux, et ensuite pointé la mine juste sous son œil avant de la mettre en garde : qu’elle omette encore une fois le s fatal, et je lui crèverais l’œil, ça lui servirait de leçon. La menace avait porté. Non seulement avec Luce, mais avec toutes mes classes, l’anecdote ayant circulé à la vitesse de la lumière dans tout le bahut, mais aussi hors les murs, jusqu’aux oreilles de parents venus toutes griffes dehors me demander des comptes.
N’empêche que, voyant quelle réussite avait porté mon coup de bluff, je m’étais accrochée à mon inédite pédagogie, et persuadée que mes phrases de thème accompagnées d’audacieuses menaces les feraient progresser, j’étais passée à la vitesse supérieure et à la pédagogie par l’absurde. C’est Bobby Lapointe qui m’avait mise sur la voie. Otez à la phrase française toute apparence de conformité à la pensée régulière, et les mômes se mettront à réflexionner sec.
Il n’était donc plus question, durant l’heure hebdomadaire de thème grammatical, de leur soumettre des plateries sur le régime alimentaire de leurs aïeux. J’optai pour l’imbécile le plus complet, et les mécanismes de réflexion se mirent en route. Déroutez l’élève, faites le sourire, et vous le verrez mordiller son crayon avant d’écrire de moins en moins de conneries. Vous ne me croyez pas, essayez donc vous-même. Je vous laisse ci-dessous quelques phrases de thème niveau terminale illustrant divers points de grammaire, collez-y vous, ou collez-y vos chiards, solution demain…

 

Ma grand-mère traverse la piscine à vélo.
Un clebs à tête de singe nique un chat élégant.
Si tu m’aurais dit plus tôt que j’avais un gros cul, je serais pas viendu.
Il ne respire plus depuis au moins deux jours, pourtant je jurerais que c’est lui qu’a pété.
Si je continue à penser moins vite qu’un mouton, cette saloperie de prof me fera brouter la pelouse du lycée.

 

Bien sûr, je vous l’ai dit, le vrai souci, c’est de gérer les parents derrière. Mais curieusement, depuis que je ne suis plus prof, les mêmes parents se bousculent à ma porte pour me confier leurs chiards...

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Newsletter
Melting Pot et vin blanc doux
Publicité